Pas un collège, le Collège. Cévenol. International. Fameux pour avoir été fondé en 38 par des personnalités de qualité. Pour en avoir accueilli plein d’autres. Fameux aussi pour nous, les élèves…. Un site, des baraquements, un parc et des tas d’histoires.

Le Collège Cévenol a été fondé en 1938 par les Pasteurs André Trocmé et Édouard Theis au Chambon-sur-Lignon, petite ville située au cœur du Massif Central à 1 000 m d’altitude. Le Collège Cévenol occupa longtemps des locaux d’emprunt puisque ce n’est qu’en 1946 qu’il put déménager et intégrer ses nouveaux bâtiments, construits grâce à l’aide inestimable de nombreux bénévoles, venus du monde entier participer aux camps internationaux de travail. Depuis lors, ces camps de travail se perpétuent chaque année durant l’été et ils participent à la création d’une communauté internationale, grâce au travail commun qui favorise les échanges dans un groupe de jeunes.

Ce collège, protestant, original, ambitieux, installé dans un site chargé d’air pur et d’histoire, fut pour moi son antinomie : une prison champêtre. Nous évoluions pourtant au sein d’un magnifique plateau en bordures de forêts, parcourant de multiples chemins pédestres pour rejoindre les bâtiments entre eux, de nos chambres au restaurant, des salles de cours au stade et au gymnase, du Temple au foyer... Hormis quelques autochtones du bourg, nous étions tous des enfants d’expatriés, de divorcés ou d’étrangers francophiles.

Aujourd’hui ce Collège est en grande difficulté...

"Ce symbole de la Résistance, cher aux protestants, connaît aujourd’hui une passe extrêmement difficile. Sa survie est en jeu."

par Marie LEFEBVRE-BILLIEZ

Rien que son nom évoque mille souvenirs et fiertés dans le cœur des protestants français. Le Collège-Lycée International Cévenol du Chambon-sur-Lignon est tout un symbole. Il a été créé à la veille de la Deuxième Guerre mondiale par les pasteurs Trocmé et Theis pour scolariser les enfants du Plateau, trop éloignés des établissements publics de la région. Il bénéficie aussi, dès son origine, de la présence de quakers américains, dont les valeurs de non-violence marquent le Collège jusqu’à ce jour. Pendant l’Occupation, il sauve des juifs. Mais il reçoit aussi en pensionnat des élèves espagnols pendant la guerre d’Espagne ou des Hongrois réfugiés à l’ouest du rideau de fer. Plus récemment, il a accueilli de nombreux Libanais fuyant la guerre dans leur pays, ou même encore deux étudiantes rwandaises – l’une hutue et l’autre tutsie – auxquelles le Chambon a offert un havre de paix pendant le génocide qui a ravagé leur pays.

Le collège est aujourd’hui dirigé par un fils de pasteur togolais, lui-même ancien élève du Chambon, Robert Lassey. L’établissement accueille 270 élèves, de la classe de 4e à la terminale, dont 30 étrangers et 100 internes. Car le recrutement est des plus originaux : aux enfants du pays s’ajoutent ceux qui viennent de toute la région et des étrangers tentés par l’expérience internationale. Les internes régionaux y cherchent ce à quoi toute famille aspire quand elle fait le choix de l’internat : « Un ou deux ans pour respirer, une parenthèse pour se mettre à distance », explique Martine Chauvinc, présidente du conseil d’administration.

Malheureusement, les étudiants étrangers se font plus rares aujourd’hui, les visas étant de plus en plus difficiles à obtenir. Résultat : vingt Africains, l’équivalent d’une classe, sont restés au pays cette année, ou ont fini par aller étudier au Québec. Le Collège Cévenol tente de compenser, à regret, en s’ouvrant aux pays d’Europe de l’Est.

Etonnant : dans cet établissement protestant, quasiment aucun élève français n’est protestant. Mais qu’à cela ne tienne, catholiques, juifs, musulmans et non-croyants se côtoient et apprennent à partager. Une aumônerie a ouvert cette année, animée par une laïque, pour favoriser la rencontre et l’échange. Le Collège reste protestant dans les valeurs qu’il porte et souhaite transmettre : la conviction que « tout le monde est éducable », « la confiance en soi et en l’autre, le respect de soi et de l’autre, la capacité à s’ouvrir », selon Robert Lassey ; « le pacifisme et la non-violence », selon Martine Chauvinc.

Défi financier

L’objectif pour notre interlocutrice est d’« arriver à faire passer aux élèves une sorte de confiance en l’avenir, qui n’est pas passive. Parce que j’ai confiance, je m’engage ». Une confiance qu’elle s’efforce de vivre elle-même au quotidien, face au terrible défi financier que le Collège Cévenol doit relever, et qui menace sa survie même. « L’établissement est vraiment en danger économiquement, reconnaît Robert Lassey. Ce serait un drame pour tout le monde si nous devions fermer. » Au cœur du problème, selon Martine Chauvinc, « une énorme dette vis-à-vis de la mairie », qui a donné lieu à des négociations difficiles sur les modalités d’un paiement acceptable par tous. « Cela nous plombe, nous n’avons pas de quoi investir. Notre établissement a du mal à être moderne pour ce qui est des locaux. »

Face à ces difficultés, certains ont émis l’idée de « déménager » le Collège Cévenol, par exemple en région parisienne. « Pourquoi pas ouvrir une annexe ailleurs ? », déclare Martine Chauvinc, mais elle exclut un déménagement pur et simple : « Ici, il y a une implantation, une histoire. » Et, Rober Lassey y tient, « une espérance ».

A la suite de cet article, le Conseil d’Administration du Collège avait tenu à faire les observations suivantes : 

Le Conseil d’Administration du Collège Cévenol souhaite réagir à l’article non signé paru dans Réforme, intitulé « le Chambon mis à mal ». L’Assemblée Générale de l’Association Unifiée du Collège Cévenol, réunie le 16 février 2008, a aussi émis le souhait d’une réaction à cet article dont le sens et la finalité lui ont échappé et dont la lecture a créé un malaise dans les communautés locales.

La première partie de l’article, retraçant sommairement l’histoire du Collège Cévenol ne nous pose pas de problème, si les difficultés financières pèsent lourdement, la suite de l’article nous interroge et nous amène à vous demander de faire connaître notre réponse.

Le Collège Cévenol International a toujours revendiqué une dimension internationale, bien avant la mode du discours sur la mondialisation et la globalisation : l’accueil des élèves étrangers en fut un des effets. Les convictions pacifistes et non-violentes de ses fondateurs les pasteurs Theis et Trocme ont  promu, il y a plus de 60ans, sa dimension chrétienne d’éducation à  la paix. En effet il n’a jamais été innocent de se réclamer, dans une dimension internationale, de la non-violence dont Gandhi, puis Martin Luther King furent, au prix de leur vie, les hérauts. Aujourd’hui nous montre combien le chemin vers un monde de paix  reste  semé d’embûches et peu à l’écoute de leur enseignement.

C’est pourquoi nous revendiquons cet héritage, pour le projet pédagogique, dont nous réactualisons l’écriture : la non-violence reste un des axes majeurs autour duquel, loin d’abdiquer face à la violence actuelle, nous engageons le Collège Cévenol dans sa mission éducative.

Par ailleurs, vous indiquez dans cet article que « quasiment aucun élève français n’est protestant ». Il s’agit-là d’une erreur grossière : en effet, comme dans tout établissement respectueux du service public de laïcité, les élèves ne sont pas tenus d’indiquer leur origine religieuse. Certes, l’internat ne recrute plus des élèves exclusivement protestants, comme ce fut le cas dans le passé,  mais vous oubliez qu’une grande partie des externes, originaires du « Plateau », est « sociologiquement protestante », c’est-à-dire issue de familles protestantes quand ils ne sont pas pratiquants eux-mêmes.

C’est l’une de nos fiertés que cohabitent au Collège cévenol des élèves d’origines, de cultures et de pratiques culturelles différentes.

Enfin, vous nous révélez des projets de déménagement et d’ouverture d’annexe( ?) parisienne : le Conseil d’Administration du Collège Cévenol travaille depuis toujours dans une tout autre dimension :  Il ne serait ni sérieux ni possible d’envisager que le Collège vive ailleurs qu’au Chambon, car son implantation géographique les habitants du Plateau, la rudesse du climat sont parties intégrantes de l’histoire du Collège , de sa culture et de son avenir ; le campus largement ouvert et sans barrière (comme le nôtre) n’a de sens  que dans cet environnement si particulier et si riche de la région du Chambon sur Lignon.

Le Conseil d’Administration tient à réaffirmer  avec sa présidente Mme Chauvinc sa volonté que le Collège Cévenol poursuive ses missions là où il est né des idées et réalisations visionnaires de ses fondateurs, au Chambon sur Lignon.