Mais ce n’est pas tout. Musicien (élève de Stravinsky de 1936 à 1939) le violoncelle l’envouta dés sa tendre enfance. Grand amateur de voile depuis l’âge de huit ans, excellent nageur de fond, Alain Bombard n’en étonne pas moins ses amis (Joliot-Curie, Jean Perrin, Louis Lapicque) et le monde. Il sait maintenant que ce n’est pas la faim, ni la soif, ni même le froid ou la noyade qui tuent le plus de naufragés, mais la P E U R. La peur, la solitude, il les a connues et il en a triomphé sans perdre son amour pour la mer : « Pour moi, il n’y a pas de vie heureuse sans mer ».
C’est pourtant le chercheur jamais satisfait que l’on sent le plus en lui. Depuis son passage à l’internat de Boulogne, cet homme est prisonnier de la physiologie et de la mer. Il nous avoue : « Ma foi, je n’ai pas tellement envie de recouvrer ma liberté ».
Aujourd’hui, Alain Bombard est l’homme qui dit qu’il « ne faut jamais
considérer ce que l’on sait comme acquis ». Celui qui consacre une partie
de sa vie à trainer sur les bancs des universités du monde entier, celui qui, à
coté de Jean Rostand et du commandant Cousteau, combat la bêtise humaine et
cherche à faire avancer la science.
Enfin, Alain Bombard est l’homme qui vous conjure de ne pas vous prendre au sérieux : « J’ai frôlé deux fois la mort. Ces deux fois j’avais cessé de déléguer une partie de moi-même hors de moi pour me regarder faire ironiquement … »
(CFD 68/69, page 19, article de R. Mayer)
Comments
Je me souviens très bien de son exposé; en fin pédagogue, il avait commencé en disant ceci : "Comme me disait un ami, ici, c'est comme dans le métro, ça sent l'air pété trois fois". Évidemment, il avait déclenché l'hilarité générale car on ne s'attendait pas à cela de la part d'un si grand scientifique et il avait gagné son auditoire.
Pierre FaillettazIl faut dire que la conférence se passait dans l'ancien gymnase au dessus des cuisines de Luquet et ça ne sentait pas très bon (je suis sûr que ceux qui liront ces lignes ressentiront cette odeur). Dans ce gymnase, nous avons aussi fait de fameux matchs de basket interclasses.
Ca me rappelle un ancien qui venait de Mauritanie : Haïba.
C'était un conteur extraordinaire! Je me souviens en particulier de l'histoire du poisson-scie qui par trois fois a "pris son élan" pour foncer sur le bâteau pneumatique et qui s'est arrêté pile à un centimètre du bateau, et puis il y avait la Bible qui finalement lui a servi de papier wc et le poisson cru qu'il "pêchait"à la main ou avec sa chemise et qu'il mangeait tous les jours. Et puis cette invitation à bord d'un gros bâteau au milieu de son voyage, les oeufs au lard et l'agonie des jours suivants de retour sur son pneumatique...
marie-christine arnera...et sur son radeau il avait pris comme lecture les partitions des cantates de Bach...
Eric Bierens de HaanBonjour, sur ce point : 'élève de Stravinsky de 1936 a 1939' ; je ne vous suis pas tout à fait :) Billet intéressant en tout cas ! Toujours un plaisir de vous lire.
M. Bark@+
Alain Bombard était étudiant en médecine pendant la guerre à Paris. Habitant chez ses grands parents et demi-juif selon les lois nazies et vichystes, afin de ne pas risquer d'être arrêté, il a dormi chez mes grands-parents, place du Panthéon, pendant deux ans (son grand-père était médecin et ami de mes grands-parents . Ces derniers ont reçu la médaille des justes pour avoir hébergé et sauvé d'autres personnes d'origine juive, dont beaucoup d'étudiants (mon grand-père était professeur à la Sorbonne).
M. WagnerSalutations, MW
Il a tenu un discours politique, aux sens pluriels du terme. C'est le premier discours sur la politique d'aménagement du territoire dont je me souvienne : au début de son intervention, il a parlé du retard français dans l'équipement en téléphone. Pourquoi ? Comment l'a t-il articulé au reste, je ne sais plus. Mais il a dit une chose dont je me souviens, c'est que "en France, on a souvent des retards, mais quand on veut réussir, on sait très bien le faire". En substance, c'était ça, son message, et il avait pris pour exemple le téléphone. C'était le bon temps ?
Il y avait surtout la rondeur du bonhomme, sa faconde, ses sourires, c'était vraiment un bon orateur, même s'il avait une voix un peu éraillée.
Jean-Luc BourgognonExtrait d'une lettre à ma mère datée du 27 février 1968 (j'avais 14 ans):
"Aujourd'hui, le collège a eu la respectueuse visite de M. Alain Bombard, le célèbre navigateur qui a traversé l'Atlantique dans un canot de sauvetage, sans vivres, avec un seul couteau, pour montrer à tous les marins du monde qu'on pouvait subsister pendant 70 jours au moins à un naufrage. Il a tenu une conférence sur son voyage dans le gymnase. Nous étions tous tassés, profs comme élèves, mais nous l'écoutions attentivement. Je le trouve formidable et rien qu'à sa façon de parler on devine qu'il en a vu beaucoup. Comme lorsqu'il nous a dit, avec indifférence : "Si vous fuyez, le requin vous mangera sûrement ; si vous lui faites face, il vous mangera peut-être." Il fut très applaudi et apprécié et à la fin de la conférence, qui avait été enregistrée par plusieurs élèves, il fut assailli par les élèves qui lui demandaient un autographe.
Olivier Pasteur (1967/69)Puis ceux qui faisaient de la voile furent invités chez M. Samson (le directeur du club de voile du collège et dont la fille est pas mal mais ne fait pas de voile hélas) avec M. Bombard. Là, nous avons discuté sur un projet qui est celui-ci : pendant les vacances, 8 d'entre les élèves (qui font de la voile) qui auraient mérité cette petite croisière autour de la Corse la feront, naviguant la journée, choisissant pour la nuit une des nombreuses petites criques et dormant à terre. Fatiguant mais merveilleux !
Il nous a donné de nombreux conseils et je lui ai demandé un autographe mais, mieux que ça, il m'a écrit cette phrase : "A un futur Bombard" et il a signé. Tu parles si je suis fier !"