Dans les années 40 il n’y avait toujours pas de collège/lycée laïc à Mazamet (Tarn). Ceci explique le gros contingent de jeunes gens qui rallia le Chambon : protestants, s’entend. Rallier le Chambon sur Lignon en venant de Mazamet, autre lieu perdu du Tarn, et ce au sortir de la guerre, n’était pas une sinécure. Il fallait vraiment avoir envie d’aller dans ce collège-là - et ce fut le cas.
Transports :
On
a évoqué un début de voyage dans la camionnette du laitier, via Béziers, au
milieu des bidons.. Plus tard - quel progrès ! - on quittait Mazamet dans
un bus à gazogène.
A Carcassonne, changement et train pour Nîmes. (Là, un père consciencieux
dormait avec ses filles dans la salle d’attente jusqu’au train du lendemain)…
Bref, avec ou sans papa, on passait la nuit dans la salle d’attente.
Un groupe important de Nîmois (Albaric… de Malprade…) et d’autres
villes du Sud-Est rejoignait le premier peloton : cris de joie… on sort les
harmonicas. Les trains sont bondés et on s’entasse joyeusement, partout, dans
les toilettes, dans les soufflets. ..On a vu des garçons à califourchon sur les
tampons !
Suivent 3 michelines : La Voulte, St Agrève, Le Chambon. La dernière, la
« cfd » (ça file doucement) est si lente, que le jeu est de descendre en marche
et de batifoler le long de la voie, cueillir une fleur et hop ! remonter à
bord.
Ces voyages furent inoubliables, et ils figurent en bonne place dans les
souvenirs les meilleurs.
Vie quotidienne :
L’inconfort au Collège, au sortir de la guerre, est difficile à imaginer aujourd’hui. Le plateau est un des coins les plus froids de France. Il n’y a pas de chauffage. Il est courant de trouver une bonne épaisseur de glace sur les vitres, à l’intérieur.
On
a droit à un broc d’eau chaude par semaine pour la toilette. Le port du
pantalon pour les filles est rare. Aux pieds, des sabots que l’on personnalise
(initiales ou petite décoration). L’été, on est souvent pieds nus.
Les « Heures claires » furent le 1er internat de filles (auparavant elles
étaient dispersées dans des pensions alentour). Ce nom charmant ne recèle guère
plus de confort. Au goûter, pain rassis et 2 morceaux de sucre… des
vermisseaux décorent les salades!
Les américains qui soutenaient le Collège (Quakers en particulier) envoyaient
parfois des paquets. Ces distributions de merveilles étaient des moments de
joie dans cette pénurie ; jolis pulls, bas, gourmandises, douceurs…
Le culte du jeudi matin est obligatoire.
Enfin, le Collège est mixte. C’est totalement inexistant partout en France à
l’époque.
L’enseignement :
Le
Collège a vu des professeurs tout à fait extraordinaires dans tous les sens du
terme.
Profs d’anglais anglophones. Mr Plazas, en espagnol, est un rescapé de la
guerre d’Espagne. I1 est sorti d’un marigot où il se cachait, respirant dans un
bambou, paralysé. Il est voué à la position verticale, debout devant le bureau
sur lequel il s’appuie. Excellent prof plein d’humour et de joie
d’enseigner. On ne peut l’oublier.
En philo, Paul Ricœur : ça se passe de commentaire.
En physique, Mr Tissot est un professeur remarquable, et extrêmement
sévère. Afin d’expliquer des figures géométriques, il fait prendre des
poses aux élèves : pieds au mur, puis tendre un bras par ci, une jambe par là,
et voilà la figure inscrite dans les mémoires pour la vie ! Nicole se souvient
d’avoir pris la pose : gageons qu’elle avait des pantalons ce jour-là !
L’éthique, au Collège, c’est une droiture absolue. Les contrôles ne sont
pas surveillés.
Confiance et autodiscipline vont de pair.
Cette vie rude, cette ambiance si originale, ces rapports avec des professeurs
motivés, ont laissé des souvenirs impérissables chez ceux et celles qui les ont
vécus.
Mazamétains (es) :
1945, 46, 47 : Claude Alran et son frère, Michel Cormouls, Marc Lengereau,
Annie Kapretz, Catherine et Sylvie Prades et leurs cousines Claudine et Nicole
Prades. Plus tard, Florence Prades. En cours de vacances 1954, 55 :
Marie-Claire Prades… et d’autres sûrement….
Parmi les élèves, à remarquer la présence de Delphine Seyrig, Catherine de
Seynes, la fille de Jean Monet, les fils et filles d’André Philip…
Nicole Prades-Manas
Avril 2009
Comments
A propos de Catherine de SEYNES, ancienne élève du Collège Cévenol, quelques précisions pour les jeunes et les autres: