Comment vivre dans un internat et passer le temps

La première notion implique une vison quasi continuelle des collègues de classe ou de chambre. dans une certaine mesure, cela a du bon. je parle pour le travail et pour d’éventuelles conversations ayant traits à des questions scolaires.

Les garçons qui peuplent cet internat, issus de couches sociales, de villes, de pays et de religions différents ont la possibilité d’avoir des échanges de point de vue très intéressants et très enrichissants.je crois qu’il ne faut pas se leurrer et que ses contacts, s’ils ne sont pas inexistants pour certains, sont pratiquement nuls pour la plupart.. Ceci est facilement explicable quand on considère la structure et la charpente des clans qui se forent dès le début de l’année.

On ne cherche pas à élargir le cercle des « relations » auxquelles on parle. On est dedans. Les autres peuvent faire ce qu’ils veulent ; peu importe. Les contacts, on s’en moque. Pourvu qu’on puisse se faire voir, valoir, selon les méthodes qui ne sont pas forcément intelligentes et qui ne font pas toujours preuve d’une grande maturité, c’est le principal. on se regarde, on s’écoute parler, mais on n’écoute pas les autres. On veut tout faire, tout dire, tout savoir, on est content de soi, vingt quatre heures sur vingt quatre et la journée s’achève ainsi sur une note fausse au son bref et à l’écho nul, inexistant.

Les haines ne naissent pas de cet état de choses, cet extrême sentiment en demande, heureusement, plus. Mais une véritable exaspération en ressort. On ne se sent pas à l’aise dans un tel climat d’hypocrisie et malsain. La critique est à la mode, d’une année sur l’autre et jour après jour. Elle est communicative, ainsi que les petits sourires en coin, elle est malfaisante, parfois méchante et surtout trop superficielle, sans aucun motif valable. Elle existe tout particulièrement dans ces fameux « clans » et c’est là qu’elle fait le plus de mal et qu’elle est la plus représentative de l’esprit général qui y règne.

Une solution à tout cela, me demandez-vous ? Elle est dure et individuelle. Elle consiste à un effort, fourni par chacun, soit pour s’améliorer dans des conditions de vie en société et plus spécialement en internat, soit pour se tenir en dehors de cette ambiance qui n’en est pas une, de ne pas prêter foi aux racontars et aux opinions personnelles, parfois très brusques et insignifiantes et enfin, de participer, comme nous l’a dit Monsieur Gagnier, à la construction d’un Collège en y apportant du sien d’une façon désintéressée. Je dis construction, car j’ai la conviction que le Collège Cévenol pourrait être tout à fait autre chose (sur le plan extrascolaire) que ce qu’il est actuellement. Il y viendra, mais que de changements doivent intervenir d’ici là.

La seconde partie de la question dépend plus des goûts de chacun que d’une organisation qui imposeraient des loisirs et occupations. Mais c’est à croire que peu d’élèves ont ces gouts propres à chacun. Bien sur, le village qu’est le Chambon-sur-Lignon n’offre pas une gamme très variée de programmes. Cependant, je crois pouvoir affirmer que j’ai décelé une des causes majeures de ce qui fait dire le jeudi et le dimanche des phrases du type : « Qu’est ce que l’on fait ? », « Qu’est qu’on va faire ? » ou encore « Ce qu’on s’embête ! », « Quel sale pays ». Le dimanche après-midi, il y a toujours la ressource d’aller voir un « navet » de plus au cinéma du village. Je comprends que les plus jeunes y trouvent du plaisir, mais enfin il y des possibilités plus agréables, plus valables et moins chères. Mais c’est la première partie de la question qui empêche le caractère sympathique de la seconde.

En général, on trouve plusieurs personnes attablés autour de jus de fruits et de gâteaux. ces personnes parlent... et parlent encore, jusqu’au moment où elles s’aperçoivent qu’elles n’ont plus rien à dire, qu’à part la discussion, elles ne trouvent qu’un plaisir restreint à se trouver ensemble et d’est le début du vagabondage dans les rues, sur les routes du Collège, au village, et vice-versa.

Je suis persuadé que si la critique était moins acerbe et les bases de la camaraderie mieux fondées et plus solides, on ne s’embêterait pas. Dans la ville ou la contrée où chacun habite, il a des amis avec lesquels il ne s’ennuie pas même en ne faisant que discuter et pourquoi pas ici ? Parce que là-bas les rapports sont francs, simples et véritables. Ici, tout est faussée. Et, naturellement, nul n’éprouve du plaisir à ne rien faire avec des gens qui en définitive, ne représente rien, ni sur le plan affectif, ni sur le plan de la sensibilité.

Lorsque la première question sera résolue entièrement, la seconde le sera de même, puisque dépendante de la précédente. Regardons-nous parmi tous ces garçons et ses filles et demandons-nous, si nous sommes dans la bonne voie.

« Je n’ai rien fait aujourd’hui » « Quoi, n’avez-vous pas vécu » (Montaigne)

Franck Bokanowski