Mr Theis vient nous voir à Sanary en 1949. Il me propose une embauche au collège cévenol pour créer une section technique. J’accepte pour la rentrée de 1951.

Notre accueil au Chambon a été mémorable ! Un appartement au 1°étage de la grande Guespie, propriété de Mme Monnier, nous avait été retenu. Mr Marie, l’économe du Collège Cévenol, avait prévu toute l’intendance pour la première journée. Nous sommes arrivés à bord de notre Renault « Peter Pan », que j’avais remise en état grâce à un train de pneu et un accumulateur. Nous avons laissé Bill, notre brave chien, chez des amis à Valence. 

Au Collège Cévenol, on m’alloue un local sombre et minable dans la ferme de Luquet pour y organiser des travaux pratiques !

Très vite la Direction m’autorise à bâtir un atelier près d’une source au dessus des baraquements de l’internat de garçons. On emprunte une machine à mouler les parpaings, avec le sable de la carrière voisine et l’aide d’élèves qui pouvaient jongler avec leur emploi du temps, le travail a commencé. Simultanément nous creusions les fondations, fabriquions des parpaings et montions les murs de ce qui est devenu par la suite l’atelier de bois. En même temps se construit le bâtiment des salles de classes pour lequel nous avons prêté main forte pour les boiseries, la toiture. L’atelier à cette époque hébergeait d’un côté la menuiserie du collège, dirigée par Roger Mandon, compagnon du devoir, qui avait pour mission la fabrication de tout le mobilier en bois et l‘entretien des baraques et autres bâtiments ; de l’autre, l’atelier de fer, mon domaine. Ensemble nous avons mis au point les plans de tout le mobilier des salles de classes et nous avons proposé un devis global incluant le coût des fournitures, bois, stockage pour séchage, machines-outils, et agrandissement de l’atelier, tout cela moins cher que l’achat de mobilier neuf. Notre devis plus avantageux est accepté par le conseil d’administration. Passionnés par notre entreprise, nous nous équipons et montons en série tables, chaises, chaises à tablettes, tabourets, bancs ; chaque meuble est construit en kit à l’aide de pièces de bois identiques, l’assemblage se fait au moyen de boulons et tiges filetées. Tout doit être démontable pour faciliter le remplacement d’éventuelles dégradations. Tout le Collège, profs et élèves inclus, est mis à contribution pour poncer et vernir chaque objet. Bien sûr, il y avait des délais à respecter, mais finalement de fut prêt à temps !

J’ai fait la connaissance de Jim Bean, pasteur américain, venu en France, appelé par la Cimade, devenu conseiller des élèves et prof de gym. Il est le fondateur des camps de travail du collège avec la participation d’amis américains et autres volontaires. C’est avec lui que je fais mon premier camp de travail pour les Castors de St Etienne, instauré par Jean Berthouze. Ce fut une expérience mémorable par l’ampleur de la tâche et très enrichissante sur le plan humain, car mixte. Garçons et filles de toutes nationalités étaient recrutés, pas de salaires mais nourris, logés, être majeur, étaient les seules conditions.

Au Chambon, il y a un gros problème de logement à cette époque. Il est possible de se loger l’hiver, mais il faut libérer les lieux l’été pour les touristes. Ce fut notre cas ainsi que celui de bon nombre de collègues au Collège.

Les pasteurs Lys et Mazel me convainquent de dresser une liste de tous les candidats pour une maison Castor. Ils m’aident et les démarches commencent, avec les conseils de Jean Berthouze, ex-prisonnier des allemands qui tenait une mercerie à St Etienne et qui a voué sa vie au service des autres. Tout en assurant mon service au Collège, je me lance dans cette énorme affaire. Notre liste comporte une trentaine de candidats. La surface habitable de chaque maison est déterminée par la composition de chaque famille : F5, F4, F3. Trouver un terrain d’au moins 2 ha, l’acheter, plan du lotissement, voies, architectes et entrepreneurs, devis, emprunts, notaires, banques, comptabilité. Des heures de travail de chaque castor pour viabiliser (égouts, eau), creuser les fondations pour chaque maison, suivant leur implantation sur le lotissement. Heureusement la bonne volonté de tous est unanime et l’architecte ne fait payer que les 3 plans types des maisons. L’entrepreneur va tenter de construire en pouzzolane coulée dans des banches servant pour toutes les maisons. Un entrepreneur indépendant montera les murs de pierres dans les fouilles jusqu’au niveau des planchers. Le nombre des maisons permet des prix avantageux. Soutenu et aidé par Daniel Lys et Jean Berthouze, je prends la responsabilité des appels d’offre pour tous les matériaux : bois (planchers, charpentes, portes et fenêtres), tuiles, etc…Et je passe commande. Plusieurs castors sont des charpentiers, menuisiers, électriciens professionnels et font le travail. Nous faisons appel à une entreprise pour monter les cloisons et faire les crépis intérieur et extérieur. Le collège se branche sur notre égout lors d’un camp de travail en échange de quoi les campeurs aident à monter les tuiles sur les toits des maisons castors. Tout est construit suivant les normes des « plans courants » exigeant des superficies très strictes. Nous obtenons des facilités dues au climat : ouvrir le sous-sol pour permettre le dépôt du charbon et pour y installer le chauffage central. Là aussi, appels d’offres, commandes, installations. Chaque maison doit être équipée d’une fosse sceptique. Fort de mon expérience d’ouvrier chez Crispin à Six Fours où je fabriquais des anneaux de puits, je dessine un spécimen de fosse utilisant cette technique et elle est adoptée par l’urbanisme. Du coup je dois réaliser les 30 fosses ! Il me faut aussi aider les électriciens pour les installations intérieures. Simultanément, j’assure tous mes cours au Collège en période scolaire et les camps de travail l’été, sans compter mes responsabilités familiales partagées amplement par Marlise. L’hiver, avec 5 enfants dans un appartement, bain des 5 à la suite tous les samedi soir, eau chauffée dans un poêle à bois, et l’été le déménagement pour le libérer. Sans elle qui s’occupait de tout, je n’aurais jamais pu résister à la pression de mes responsabilités. Chacun obtient son titre de propriété chez le notaire. C’est le moment des comptes et Jean Parker, le trésorier, additionne toutes les factures, les sommes prêtées par le crédit foncier et le sous comptoir des entrepreneurs cautionnés par Jean Berthouze. Il en ressort une grosse somme excédentaire. On compte les heures d’apport de travail de chacun ce qui nous permet d’établir le coût d’une heure de travail et il apparaît que moyennant un loyer fixe tout les mois, assez dérisoire, tout le monde sera en mesure de rembourser son emprunt en 25 ans. En 1954, nous nous installons aux Castors. La pouzzolane fait merveille. Nous aménageons les ouvertures avec doubles fenêtres en supprimant les volets. Une couche de laine de verre au dessus des plafonds. La petite chaudière à charbon chauffe radiateurs et ballon d’eau chaude. Nous complétons le mobilier des chambres déjà munies de placards.

Les problèmes de démarrage scolaire pour les aînés seront résolus par la présence des cours privés de Melle Marion.

Au Collège, création de l’atelier « fer » pour la préparation des diplômes techniques : CAP, brevet, baccalauréat 1°. Énorme bâtiment pour lequel je suis impliqué à l’équipement des locaux en établis, machines et outillages, tables et matériel pour le dessin industriel. Vieilles machines de chez Berliet, imposées par le trésorier du conseil d’administration.

Le 16 Septembre 1956, naissance d’Etienne.

Développement de nombreuses amitiés au Collège, aux Castors, au village. Nombreuses activités : louveteaux, éclaireurs, cadette, chorale adulte et enfant, croix bleue, activités dirigées tricot ou pâtisserie, école du Dimanche, culte, les camps pour les enfants l’été, les camps de travail avec le collège pour moi. Réceptions familiales. Je suis moniteur à l’école du Dimanche et nous pensons bien faire en incitant nos enfants à suivre une instruction religieuse pour confirmer ensuite leur baptême.

Orientation de la vie des enfants ; l’un après l’autre. Pour aider les finances, Marlise accepte des pensionnaires. Le collège réduit mes cours à la technologie le matin. Faïdoli, institut médico-pédagogique, m’embauche pour l’après midi comme grand-père auprès des handicapés les plus grands. Je me décide à prendre ma retraite anticipée en 1974.