Lettre ouverte à Monsieur Gagnier

Monsieur le Directeur,
Je voudrais ici parler d’un problème qui, s’il est réputé comme n’étant pas « tabou », n’a cependant jamais été abordé franchement au Collège. Je veux parler des relations entre garçons et filles dans le cadre du Collège.
Le Collège est mixte : encore faudrait-il peut-être accepter cette mixité.
Prenons les repas : le petit déjeuner ne peut que très difficilement être pris en commun tout le monde est d’accord là-dessus ; le déjeuner est parfait, mais qu’advient-il du dîner ? Pourquoi chacun chez soi ? On nous a objecté que l’éducation au Collège comprend des cours de cuisine. Pourquoi donc ne pas réunir une commission qui essaierait de concilier cuisine et repas en commun ?
Quand on regarde les sorties : combien de fois l’an dernier, des films, des conférences ou concerts n’ont pu être vus que par les garçons, alors que les filles restaient à Milflor. N’est-ce pas un problème de manque de coopération entre Milflor et l’internat de garçons ?
Mais que doivent être les rapports entre garçons et filles ? Une chose est certaine : les adultes ne doivent plus se dérober ; il faut qu’ils voient le problème, prennent conscience sans se défiler. Nous ne sommes pas au Moyen Age et Victoria n’est pas reine : il est évident (regardez autour de vous) même au plus rétrograde (c’est un fait objectif) que les relations entre garçons et filles ne peuvent se borner à « la franche amitié » et à « la poignée de mains » jusqu’à la majorité. Pourquoi d’ailleurs la majorité ? Qu’est-ce de plus ?
Déclarer cela, c’est faire preuve d’un manque total de compréhension de et de conscience des réalités actuelles. Nous ne demandons pas l’impossible : un minimum de compréhension accompagné d’une prise de conscience et des discussions franches et « objectives » sur ce sujet entre un groupe mixte d’élèves et d’adultes du Collège.
Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de mes sentiments les plus respectueux.
Frédéric Mignon

Réponse ouverte à Frédéric Mignon

Mignon,
Ta lettre me montre, une fois de plus, que je suis très ignorant du Collège, de son passé, de ses habitudes, de ce que l’on y fait et de ce qu’on y dit.
Car dans ma candeur naïve, je croyais qu’un collège mixte était justement un collège où l’on acceptait la mixité.
Dans ma candeur naïve, je croyais que ce que j’avais constaté depuis la rentrée était toujours pratiqué : à savoir que films, conférences et concerts étaient suivis par filles et garçons ensemble.
Dans ma candeur naïve, je me figurais que la question des relations entre garçons et filles n’était justement pas un « problème tabou », qu’on parlait souvent et franchement, et qu’on avait mille occasions de le faire, - même si le repas du soir n’est pas mixte.
Si cela ne suffit pas, je suis tout à fait d’accord pour qu’un « groupe mixte (doublement) d’élèves et d’adultes » en discute aussi. J’ajoute même que cela m’intéresserait de faire partie de ce groupe.
Tu aurais alors l’occasion de dire ce que tu demandes d’autre que « la franche amitié » et la « poignée de mains ».
Mais peut-être ici ne suis-je plus tout à fait assez naïf. Excuse-moi...
Pierre Gagnier