C’était une villa isolée, peut-être louée à quelqu’un du village, où ne pouvaient coucher qu’une dizaine de personne.

Si j’ai bien compris, on y mettait les brebis galeuses de l’internat, puisque, après la Tagheia, j’y fus muté pour indiscipline.
En réalité, c’était la maison la plus agréable, parce qu’elle était loin de tout et que la surveillance y était donc moins stricte qu’ailleurs. Nous y vivions sans responsable visible, dans une sorte d’autarcie anarchiste, n’en sortant que par beau temps. Toute forte pluie, tout soupçon de neige, nous faisait déclarer le chemin impraticable pour nous rendre aux salles de classe, voire à Luquet. Subsistant de nos maigres provisions mais le cœur à l’aise, nous nous levions tard, lisions beaucoup, jouions aux cartes et pratiquions le rugby.

Tout de même, on y travaillait aussi, puisqu’en en sortant je fus reçu au bac. Je me souviens notamment de Dautheville et des deux frères Layec, ces derniers fils d’officier, qui étaient remarquables par le fait qu’à la place de valises ils utilisaient des cantines métalliques (à l’époque réservées à l’armée, et tout à fait inhabituelles pour les civils). A la Guespi, j’ai de fort bons souvenirs, mais comme personne ne se rappelle cette maison, je crains que la Direction, constatant que les habitants y échappaient trop à son emprise, l’ait, après nous, supprimée ou rendue à son propriétaire.

(Guy BECHTEL)