Nous entretenions d’extraordinaires cabanes dans les bois. Réinvestissant sans cesse la plus élaborée d’entre elle. Creusée dans le sol, recouverte de terre et de feuilles, charpentée de branchages, son entrée camouflée par une trappe. Ces jeux appartenaient surtout aux plus jeunes, les plus grands les abandonnaient, d’une année l’autre. De génération en génération, nous nous transmettions des mots de passe juvéniles, inutiles, mais fédérateurs « TONTETATILOTETATOU ?», dont seule une nécessaire maturité linguistique permettait d’en comprendre le sens et donc d’en retenir l’expression sans faillir. Et la bonne réponse devait être « OUIMONTEMAOTEMATOU ».... En réserve, nous avions aussi "BAISS’TAGAIN’BERT’KEUJ’TAT’", mais là c’était déjà plus ardu... Nous pouvions encore glousser de cet humour de gamin. Transition transgressive avec les blagues de toto qui avaient imprégnées nos classes de primaires.

Nous avons construit une cabane sensas dans les bois. Elle est creusée dans la terre avec des branchages dessus. On entre par une trappe, on se trouve dans le couloir, on avance, on arrive dans une vaste salle de 5m² environ. Avec cuisine et grand salon. On a un réchaud à gaz, du café, du lait, du sucre, des petits gâteaux, un magnétophone et des livres. J’ai invité Christine l’autre jour et elle a trouvé cela formidable et on est resté quatre heures à discuter. En écoutant des disques. (Lettre de mon frère Olivier à mon père 16 mai 68)

Le gymnase actuel a détruit cet extraordinaire terrain de jeu et de liberté. La première pierre fut posée (je crois) en 69, détruisant à jamais les vestiges de nos aventures imaginaires qui n’existent plus que dans nos fragiles mémoires.