C’est le mercredi 11 décembre 68, qu’eut lieu une soirée culturelle indienne au foyer cévenol du Chambon. Rue de l’église. Organisée par les « grands » du collège, je fus invité à y participer. Stoly était-il encore là ? Symbolisant la pureté juvénile, je fis deux apparitions, la première et la dernière. Pas moins ! Seul sur la scène. J’y déclamais deux poèmes de Rabindranath Tagore. Je ne me souviens plus du premier qui était issus du Jardinier d’amour. Il faudrait que je le relise pour tenter d’en retrouver le passage. Le second était issu de La Corbeille des fruits. J’avais le tract, les jambes qui tremblaient. J’avais passé au moins une semaine pour apprendre mes quelques vers. Mais Brigitte et mes amis, aux premiers rangs étaient là et me soutenaient.

Mes liens sont coupés, mes dettes payées, ma porte ouverte, je m’en vais.

Ils sont tapis dans leur coin et tissent la toile de leurs heures ternes, ils comptent leur argent assis dans la poussière, ils m’appellent pour que je revienne.

Mais j’ai forgé mon épée, revêtu mon armure, mon cheval est impatient de partir.

Je vais gagner mon royaume.

Quelques jours après, quoique sans épée, sans armure et sans cheval, mes propres liens furent coupés à leur tour. Comme ils le seront encore tant de fois.