Petites et grandes histoires du Collège Cévenol

Un lieu, quelques années, vus de notre adolescence

To content | To menu | To search

Thursday 7 May 2009

Souvenirs des années 1947-1949

Pour moi, le Collège a transformé ma vie, uniquement parce que j’ai vu qu’on pouvait faire des études secondaires dans la joie sans se torturer, et surtout sans complexe d’infériorité car les élèves, bons, moyens ou faibles, tout le monde était nivelé, il n’y avait pas de place ni pour la vantardise, ni pour le découragement.  J’arrivais d’un cour privé à Mazamet complètement démoralisant pour l’élève très moyenne que j’étais ! Donc, première joie et pas la moindre.

Ma sœur Nicole qui m’avait précédée au Collège 2 ans avant avait un tel don de conteuse que je vivais le Collège avec elle, grâce à elle, si bien qu’en sortant du C.F.D. à mon arrivée, je connaissais tout le monde. .. Je revois la tête de Catherine de Seynes qui ne m’avait jamais vue et que je saluais - et bien d’autres - comme si j’avais vécu au Collège.

Su l’inconfort des Heures-Claires, tout a été dit, sinon que l’encre gelait dans les encriers.  Personne ne se plaignait, nous étions toutes enchantées : Suzanne de Richemond; Josette Evrard, qui épousera Etienne Keller, mon chef de classe; Béatrice Schaeffer, fille d’un archéologue ami de M. Seyrig, père de Delphine; Eliane Bergis; Geneviève Laporte, fille d’un grand professeur de médecine à Toulouse, qui m’a initiée à la philo d’une façon prodigieuse; Josette Roumeis… Je n’ai jamais su qu’une des pensionnaires ait eu le cafard, nous étions toutes ravies. Notre surveillante Simone Atger (qui épousera Paul Keller) était douce, gentille et patiente.

Aller au Collège par des petits chemins entourés de bois dans une nature magnifique ne pouvait que donner la pêche.

Culte obligatoire le lundi matin au Temple, j’y révisais ma physique tant M. Tissot me faisait peur.

Les repas étaient bien agrémentés par des colis arrivant des USA.  Tout était copieux mais certes pas délicieux.  On riait, ça nous importait peu.

Les parties de volley-ball avaient du succès dans les prés à côté des baraques.

Partir en jeep pour passer le baccalauréat au Puy, ce n’était pas banal.  Voyage animé par Elie Robert, Maurice Sauzet, Etienne bois.
Les Maths-Elem. avaient beaucoup de prestige, avec comme tête de file Teddy Parker et Michou Ducamp.

Claudine Prades
Avril 2009

Collège Cévenol, années d'après-guerre

Dans les années 40 il n’y avait toujours pas de collège/lycée laïc à Mazamet (Tarn).  Ceci explique le gros contingent de jeunes gens qui rallia le Chambon : protestants, s’entend.  Rallier le Chambon sur Lignon en venant de Mazamet, autre lieu perdu du Tarn, et ce au sortir de la guerre, n’était pas une sinécure. Il fallait vraiment avoir envie d’aller dans ce collège-là - et ce fut le cas.

Transports :

On a évoqué un début de voyage dans la camionnette du laitier, via Béziers, au milieu des bidons..  Plus tard - quel progrès ! - on quittait Mazamet dans un bus à gazogène.
A Carcassonne, changement et train pour Nîmes. (Là, un père consciencieux dormait avec ses filles dans la salle d’attente jusqu’au train du lendemain)… Bref, avec ou sans papa, on passait la nuit dans la salle d’attente.
Un groupe important de Nîmois (Albaric…  de Malprade…) et d’autres villes du Sud-Est rejoignait le premier peloton : cris de joie… on sort les harmonicas. Les trains sont bondés et on s’entasse joyeusement, partout, dans les toilettes, dans les soufflets. ..On a vu des garçons à califourchon sur les tampons !
Suivent 3 michelines : La Voulte, St Agrève, Le Chambon.  La dernière, la « cfd » (ça file doucement) est si lente, que le jeu est de descendre en marche et de batifoler le long de la voie, cueillir une fleur et hop ! remonter à bord.
Ces voyages furent inoubliables, et ils figurent en bonne place dans les souvenirs les meilleurs.

Vie quotidienne :

L’inconfort au Collège, au sortir de la guerre, est difficile à imaginer aujourd’hui. Le plateau est un des coins les plus froids de France.  Il n’y a pas de chauffage. Il est courant de trouver une bonne épaisseur de glace sur les vitres, à l’intérieur.

On a droit à un broc d’eau chaude par semaine pour la toilette. Le port du pantalon pour les filles est rare. Aux pieds, des sabots que l’on personnalise (initiales ou petite décoration). L’été, on est souvent pieds nus.
Les « Heures claires » furent le 1er internat de filles (auparavant elles étaient dispersées dans des pensions alentour). Ce nom charmant ne recèle guère plus de confort. Au goûter, pain rassis et 2 morceaux de sucre… des vermisseaux décorent les salades!
Les américains qui soutenaient le Collège (Quakers en particulier) envoyaient parfois des paquets. Ces distributions de merveilles étaient des moments de joie dans cette pénurie ; jolis pulls, bas, gourmandises, douceurs…
Le culte du jeudi matin est obligatoire.
Enfin, le Collège est mixte. C’est totalement inexistant partout en France à l’époque.

L’enseignement :

Le Collège a vu des professeurs tout à fait extraordinaires dans tous les sens du terme.
Profs d’anglais anglophones. Mr Plazas, en espagnol, est un rescapé de la guerre d’Espagne. I1 est sorti d’un marigot où il se cachait, respirant dans un bambou, paralysé. Il est voué à la position verticale, debout devant le bureau sur lequel il s’appuie. Excellent prof plein d’humour et de joie d’enseigner.  On ne peut l’oublier.
En philo, Paul Ricœur : ça se passe de commentaire.
En physique, Mr Tissot est un professeur remarquable, et extrêmement sévère.  Afin d’expliquer des figures géométriques, il fait prendre des poses aux élèves : pieds au mur, puis tendre un bras par ci, une jambe par là, et voilà la figure inscrite dans les mémoires pour la vie ! Nicole se souvient d’avoir pris la pose : gageons qu’elle avait des pantalons ce jour-là !
L’éthique, au Collège, c’est une droiture absolue.  Les contrôles ne sont pas surveillés.
Confiance et autodiscipline vont de pair.
Cette vie rude, cette ambiance si originale, ces rapports avec des professeurs motivés, ont laissé des souvenirs impérissables chez ceux et celles qui les ont vécus.

Mazamétains (es) :

1945, 46, 47 : Claude Alran et son frère, Michel Cormouls, Marc Lengereau, Annie Kapretz, Catherine et Sylvie Prades et leurs cousines Claudine et Nicole Prades. Plus tard, Florence Prades.  En cours de vacances 1954, 55 : Marie-Claire Prades… et d’autres sûrement….
Parmi les élèves, à remarquer la présence de Delphine Seyrig, Catherine de Seynes, la fille de Jean Monet, les fils et filles d’André Philip…

Nicole Prades-Manas
Avril 2009

Souvenirs des années 1948-1951

Voyages :

Je me souviens de ces départs de Mazamet Je descendais du village d’Angles, et je demeurais chez les Prades. Grand confort lorsque Mr Prades nous emmenait en auto à Béziers.  Là, Linette Gau, qui avait la bonne idée d’habiter en face de la gare, offrait un petit-déjeuner.
Puis venait l’épopée dans les wagons - les soufflets en fait ! – où, debout, nous arrivions à dormir, les uns appuyés sur les autres… Au fil du trajet, montaient quelques copains : Sagne, Doïc De Malprade, etc.

Diététique d’après-guerre :

La salade frisée, très frisée, règne ! Les limaces minuscules s’y cachent avec obstination pour lâcher prise à l’arrivée du vinaigre.  Là elles tombent au fond du saladier, roses, ouf !
L’orge perlée à la sauce tomate est un pensum ! Les grains sont encore piquants. : bio total, on se régale ! Le porridge brûlé du matin reste un souvenir .,. hum, degueu !
L’étrange de cette affaire est que, matériellement plutôt gâtée chez moi (Madagascar), j’étais totalement inappétante, grande ado, toute maigre.  En trois mois de cette redoutable diététique, j’avais pris… 11kilos : le bonheur ? les copains ? l’ambiance si fraternelle ?

Vie :

Pas de ski.  On n’a qu’à emprunter les sabots d’Etienne Bois, il chausse du 46 fillette… et de s’élancer sur la piste : griserie !

« Cigogne » (Jourdan) veille au grain.  Il est surveillant attentif à nos ébats.  Doudou, (Édouard Theis) directeur vénéré, était aussi très attentif, un membre proche de sa famille étant décédé d’une boule de neige pleine de gravillons, reçue dans l’œil. II ne pouvait supporter la vue de ce jeu.
Le jeudi matin, pour aller au culte au village, nous descendions en train de luges ; inoubliable !
Mlle de La Tour, directrice des « Heures Claires », enfourchait son vieux vélo et dévalait la pente (côte de Mole) ; elle comptait ses filles et se plaçait auprès d’elles : fou rire : elle avait un filet à grosses mailles oranges et… une araignée s’y promenait … ruinant tout contact avec le Seigneur !

Les professeurs :

Mr Antonio Plazas, merveilleux de courage (républicain espagnol rescapé mais paralysé) exigeant pour lui-même et les autres.
Jean Boisset : brillantissime prof de philo/français, qui habitait au Chambon et repartait le lundi à Paris enseigner à la Sorbonne.
Peu ou guère scolarisée à Madagascar, j’ai été soutenue, entourée par tous ces profs attachés à me faire rattraper mes retards.
Dans les classes, un Conseil d’élèves donnait son avis sur les comportements des copieurs ou tricheurs, la sanction revenant aux professeurs.  Exigeants, nous l’étions : trahir la confiance, socle de cette éducation, est LA faute.

Liberté et responsabilité : c’était la devise de ce Collège unique. Pas de barrière, pas de mur. Autodiscipline.  Seul juge : Dieu.

Michèle Lafoux née Galland
Paris, avril 2009


N.d.l.r. : Voir aussi l’album photo de Michèle Galland

S'abonner

Sommaire